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Tribune – 5 erreurs que tous les RH devraient absolument faire (et pourquoi)

Alexandre Malarewicz, co-fondateur et DRH d'Empowill, nous partage sa vision des RH et les 5 erreurs qu'ils et elles devraient faire pour mieux performer.

6 min

En tant que RH, on a cette idée fermement ancrée dans notre tête qu’on ne doit surtout pas faire d’erreur. Car en RH, les erreurs coûtent cher : prud’homme, accident du travail, réputation de l’entreprise, burn-out… et j’en passe. On se dit donc qu’on doit être “carré”, irréprochable, tout prévoir.  C’est ce que je me suis dit maintes et maintes fois au cours de mon parcours de DRH, jusqu’à me rendre compte que… tout cela est faux.

En réalité, certaines erreurs sont non seulement inévitables… mais surtout nécessaires ! Elles permettent d’apprendre, de progresser, et même de se transformer. Voilà pourquoi je suis convaincu qu’il y a 5 erreurs que tous les RH devraient faire au moins une fois dans leur carrière (et que j’ai moi-même commises).

1. Arriver à un point sans info

Imaginez la situation suivante : vous devez participer à un point de recadrage où il faut être aussi objectif que possible. Vous préparez le point mais comme les journées sont trop courtes, vous n’obtenez que quelques feedbacks triés sur le volet. Bonne idée… ou presque.

Le risque, c’est de vous rendre compte en plein échange que vous n'avez pas tous les éléments, que vous vous faites mener en bateau et que vous n’êtes pas en position forte sur le déroulé du point.

En termes de crédibilité et de proximité, c’est échec et mat. C’est une erreur qui marque, mais c’est aussi comme cela que l’on comprend à quel point l’information est le carburant du RH, croyez-moi !

Je dis souvent aux RH avec qui j’échange qu”un bon RH, c’est quelqu’un qui a de l’info”. Avoir de l’info, ça veut dire connaître les différents points de vue des différentes parties prenantes, l’historique, les échanges précédents, les acteurs impliqués ****et ceux qui n’auraient pas dû être impliqués mais qui l’ont été quand même… Bien faire des RH, c’est arriver en terrain connu au moment des échanges clés, c’est s’asseoir à la table de poker avec une bonne main, des cartes de rechange dans ses poches et en connaissant les mains des autres joueurs.

Par exemple, lorsque l’on intervient dans un point de recadrage, il faut connaître le retour du manager, du salarié et des autres personnes de l’équipe. Quand on fait face à un projet de digitalisation qui patine, il faut pouvoir en retracer l’historique, mobiliser les parties prenantes, suivre les échanges avec les prestataires, challenger les initiatives et les décisions prises ou non, et par qui.

Lors d’entretien ou de toute autre réunion, vous jouez en tant que RH le rôle de l’enquêteur qui croise les versions pour identifier l’angle mort. Vous êtes l’avocat qui prépare sa plaidoirie avec sérieux pour ne pas que le procureur lui oppose une nouvelle preuve à l’improviste.

Alors, plus jamais vous n’arriverez sans avoir interrogé trois sources différentes, plus jamais vous ne vous contenterez d’un seul récit. Vous devenez ce RH qui sait, avant même qu’on lui dise les choses.

D’ailleurs, rien de plus satisfaisant de pouvoir dire en toute sincérité quand quelqu’un vous remonte une information :  je sais, j’ai déjà commencé à agir en conséquence.

2. Oublier que la confiance se gagne

Au moins aussi important que ne pas avoir toutes les infos : penser que l’on a la confiance des des autres collaborateurs… alors qu’en fait non.

L’erreur, c’est de se rendre compte que vos collègues ne vous ont pas forcément dit (toute ?) la vérité, qu'ils vous ont caché des informations parce qu'ils avaient peur de la façon dont vous pourriez les interpréter ou les utiliser.

Et c’est un peu normal ! En tant que RH, on a une posture un peu particulière au yeux des autres salariés : on se trouve au carrefour entre la direction et les collaborateurs, on traite des informations confidentielles, on est parfois dans un entre-deux un peu flou. Bref, une posture qui peut parfois même nous rendre un peu schizophrène !

Sauf que pour les RH, plus que pour n’importe quel manager, la confiance, ce n’est pas juste une “valeur d’entreprise” accrochée sur un mur, c’est un travail de longue haleine. Comment éviter qu’en face de nous, un salarié se dise “Il/elle en sait plus que ce qu'il/elle en dit vraiment.”

Voilà pourquoi la confiance est stratégique. Sans elle, les vrais problèmes surgissent trop tard. Avec elle, on a accès à la réalité du terrain, la même réalité qui parfois nous ajoute des sujets à gérer…

💡 Comment faire pour gagner la confiance de vos équipes ? Voici mes maîtres mots :

  • Proximité, la vraie proximité, celle qui vous emmène sur le terrain avec vos chaussures de sécurité et votre casque de chantier.
  • Sincérité, qui rime souvent avec courage : courage de dire les choses, courage des mauvaises nouvelles, courage de dire aussi quand on ne sait pas.
  • Confidentialité et transparence : acceptez de dire ce que vous n’avez pas le droit de dire (“je sais, mais je ne peux pas te le dire") et verbalisez ce que vous ne voulez pas savoir, sans quoi vous serez obligés d’agir (“je ne veux pas savoir si tu as utilisé ton véhicule de fonction pour partir en vacances”).
  • Curiosité, en montrant que vous vous intéressez réellement à vos interlocuteurs, vous créerez les conditions d’échanges plus riches… et oui la plupart des questions personnelles sont autorisées !
  • Patience, enfin, car la confiance comme les relations humaines se construit sur un temps long.

3. Ne pas challenger sa direction

Que celui ou celle qui n’a jamais laissé passer une décision de sa direction sans la questionner me jette la première pierre !

En tant que RH, par facilité ou par fatigue, il nous arrive d’accepter des décisions avec lesquelles on n’est pas aligné·e·s, que l’on sait bancales… On voit le mur arriver, mais on se résigne parfois à y aller, sagement.

Or, un RH qui dit oui à tout n’est pas un RH, c’est un relai administratif.

Le rôle de RH est d'aller challenger sa direction et de dire “je ne suis pas d'accord avec ça”, “ça, ce n'est pas clair”, “ce que tu me dis là est contradictoire”, “on n'y arrivera pas avec ces moyens”, “là, on n'a pas les ressources”, “vous avez vu cet angle mort ?”...

Être RH,  c’est adopter une posture de challenger, de coach. On parle souvent du binôme RH/dirigeant, mais ce binôme ne peut réellement exister qu’avec une posture forte du côté RH.

Alors oui, c’est une posture parfois inconfortable et exigeante intellectuellement, mais c’est comme ça que l’on prouve notre valeur stratégique : en apportant de la contradiction, pas juste de l’application.

Dit autrement, la stratégie RH ne doit pas être une copie conforme de la stratégie business. Elle doit être passée au filtre de notre regard, nourrie de notre compréhension des humains, des contraintes, et des leviers d’engagement. Faire l’erreur de ne pas challenger, c’est comprendre pourquoi c’est un élément crucial de notre crédibilité.

4. Croire que l’on est “assez formé”

Le monde du travail change de plus en plus rapidement et avec lui nos processus, les métiers, les outils aussi, et les méthodes.

Qui donc mieux qu’un RH pour orchestrer tous ces changements qui impactent le travail ? Mettre la bonne personne au bon endroit, avec les bonnes conditions, les bons outils et les bonnes compétences pour qu’elle donne son plein potentiel… Mais pour bien orchestrer, encore faut-il être à la page.

J’ai moi-même déjà cru maîtriser la conduite du changement… jusqu'à ce que je découvre à quel point il s’agit d’ une discipline à part entière, avec des méthodes, des outils, et une technicité qu’on ne devine pas.

C’est le fameux biais cognitif de Dunning-Kruger, aussi appelé de l’excès de confiance : quand on ne maîtrise pas un sujet, on ne se rend pas compte à quel point il est complexe.

Et le pôle RH est peut-être l'un des pôles qui a le plus besoin de formation aujourd'hui, parce que les entreprises sont obligées d'innover. Méthodes de recrutement, organisation de la production, outils qu'elles utilisent, méthodes de management, relations entre les salariés et les managers :  ce sont des sujets sur lesquels il faut impérativement énormément apprendre, itérer, tester, être à l'écoute… Et donc, énormément se former.

Se tromper parce que l’on n’était pas assez formé·e, ça pique l’ego. Mais c’est le meilleur vaccin contre la complaisance : après ça, on lit, on confronte les méthodes, on se forme, on teste, on observe ailleurs.

On devient un RH en mouvement permanent, capable d’innover plutôt que de subir.

5. Penser que l’on n’a pas le droit à l’erreur

Cette erreur est la plus pernicieuse, mais peut-être la plus importante de toute votre vie de RH !

Souvenez-vous de ce que je disais pour commencer : en RH, les erreurs peuvent coûter cher, financièrement et humainement, c’est pourquoi on pense que l’on doit à tout prix les éviter.

Cette pensée limitante crée une pression énorme, qui pousse à jouer la carte de la sécurité : moins on bouge, moins on risque de se tromper.

S’il faut évidemment éviter les erreurs les plus conséquentes, il est tout autant indispensable de créer un cadre pour limiter les risques et se permettre de faire des petites erreurs. Sans cela, la prudence à outrance freine l’innovation dans nos métiers.

Ainsi, accepter le droit à l’erreur, ce n’est pas jouer avec la loi ou les paies. C’est créer un environnement où l’on peut tester de nouvelles pratiques managériales, revoir des process, expérimenter un mode d’entretien différent… avec des garde-fous, oui, mais avec la liberté d’essayer !

Un département RH qui expérimente, c’est une entreprise qui surprend ses salariés, qui renforce sa culture, qui fait dire : “ici, c’est différent”. Et c’est ça qui attire, qui engage, qui retient.

Ainsi, l’erreur la plus grave, c’est de croire que l’on ne doit pas en faire.

Que retenir de ces erreurs ?

Il faut repenser notre rapport à l’erreur. Même en RH, où certaines erreurs coûtent cher, il faut valoriser l’expérimentation, le courage, l’audace, la créativité, l’esprit d’initiative, le sens critique et la capacité à questionner l’ordre établi !

Et aujourd’hui, les politiques RH qui se distinguent ont ce point commun : elles cherchent à surprendre, elles sont à l’écoute de leur environnement, elles sont parfois clivantes mais toujours réfléchies.

Osez les erreurs : elles apprennent à mieux connaître, mieux écouter, mieux argumenter, mieux se former, et surtout, à oser transformer nos pratiques.

Alexandre Malarewicz

Co-fondateur et DRH d'Empowill, expert en RH, enseignant et conférencier

Entreprendre en pensant aux gens avant de penser aux chiffres, est-ce vraiment possible ? Je construis, j'écris, j'écoute et j'enseigne pour prouver que oui. La question de l'humain en entreprise est hautement riche et complexe, prenons le temps de vraiment nous y intéresser !

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